saintbaudime

 

Saint Baudime est honoré dans deux églises en Auvergne : celle, célèbre pour sa beauté, de Saint-Nectaire, et celle, quasiment inconnue, de Ronzières.



SAINT-NECTAIRE


  




Vers la fin du 3e siècle, saint Austremoine, venu à Clermont en qualité d’évêque, organise l’Église des Arvernes. Avec lui vinrent saint Sirénat qui eut pour mission d’évangéliser les peuples habitants dans la partie orientale de l’Auvergne entre Thiers et Billom, et dans la vallée du Livradois. La partie méridionale de la Limagne, entre Coudes et Brioude, et les Monts Dore furent confiés à saint Nectaire. Ce dernier fut aidé dans sa tâche pastorale par saint Auditeur ou Adjuteur, et saint Baudime, son fidèle ami, qui firent le voyage avec lui depuis Rome. On raconte parfois qu’ils étaient frères. Ensemble, ils obtinrent un grand nombre de conversions.



Nectaire fixa le centre de son apostolat sur le Mont Cornadore au cœur d’une région très anciennement peuplée. Il éleva un sanctuaire où il put se retirer au terme d’une longue vie de prière et de prédication. Nectaire s’éteignit un 9 décembre et c’est Baudime qui en annonça la nouvelle à saint Pierre (cf. à gauche).


Ses disciples déposèrent son corps dans l’oratoire du Mont Cornadore où ne tardèrent pas à aller le rejoindre les dépouilles de ses deux compagnons Baudime et Auditeur. Les miracles opérés autour de leur tombeau firent de l’oratoire un lieu de pèlerinage très fréquenté. Des habitations s’élevèrent autour du Mont Cornadore et, du nom de son fondateur, le bourg ainsi constitué prit le nom de saint Nectaire. L’église romane aurait été édifiée à l’emplacement du sanctuaire primitivement élevé par le saint apôtre.


Non content d’apporter la Bonne Parole, et toujours selon la légende apostolique, saint Baudime débarrassa la région des Dores d’un dragon ; celui-ci avait établi son repaire dans les anfractuosités de la falaise et terrorisait les habitants. Baudime eut le courage de l’affronter et le terrassa au terme d'un combat acharné. On raconte qu'avant de mourir, l'animal marqua le rocher de l'empreinte de ses griffes et provoqua l'éboulement de la partie sud du plateau. Il est possible que cet épisode soit le sujet d’un des chapiteaux de l’église de saint Nectaire représentant un saint terrassant un personnage non identifié (cf. ci-dessus à droite).


Dans le dictionnaire hagiographique de sa « Vie des Saints », François Giry nous apprend que Baudime est honoré le 2 janvier (Paris, 1860, p.12), information confirmée dans le «Catalogue alphabétique des Saints», publié la même année par la Société de l’Histoire de France (Paris, p.27).




RONZIÈRES





Située à 36 km de Saint-Nectaire, cette église du 11e siècle fait également partie de la légende de saint Baudime, quoique cela soit peu ou pas connu.


À l’époque de son apostolat, il advint que Baudime découvrit sur les flancs de Ronzières une source dédiée aux fées. Il y prêcha et consacra la source à Notre-Dame de Ronzières. L'eau de la source commença alors à guérir. Lors des invasions barbares, la chapelle que Baudime avait faire construire non loin de là, fut détruite. La statue de Notre-Dame de Ronzières qu’il y avait placée, disparut. Plus tard, un laboureur ayant constaté que ses boeufs s’arrêtaient toujours devant un roncier, près de la fontaine, il fouilla le massif de ronces et y découvrit la statue perdue ; la tradition rapporte que le boeuf marqua un rocher de son sabot et les jeunes filles désirant se marier et avoir des enfants glissent toujours leurs pieds dans le "pas du boeuf", sur le chemin menant à la fontaine, et déposent une offrande à l'église, mêlant ainsi de façon syncrétique le culte marial et un ancien rite païen de fécondité.


Cette belle vierge romane en majesté fut installée dans le baptistère élevé par saint Baudime au sommet de la butte et où se dresse l’actuelle église. La statue y est encore, dans la chapelle latérale nord, et on y vient en pèlerinage, le dimanche qui suit le 8 septembre.


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La mythologie chrétienne des premiers missionnaires de la foi se mélange souvent avec la réalité historique, et il n’est pas toujours facile de les distinguer.


Outre la légende apostolique qui nous présente saint Baudime comme un évangélisateur de la fin du 3e siècle et un pourfendeur de dragon, il existe un texte très rare et assez étonnant, intitulé «La légende de saint Baudime», né sous la plume de Georges Desdevises Du Dézert (1854-1942), historien, romancier, poète et critique littéraire qui finit sa brillante carrière d’enseignant comme doyen à la faculté de Lettres de Clermont-Ferrand, après avoir également été avocat à la cour d’appel de Caen, et obtenu l’agrégation d’Histoire à la Sorbonne.


Érudit protéiforme, il a laissé une œuvre qui est à l’image de son éclectisme et dans laquelle les recherches universitaires se confondent parfois avec la création littéraire. Il est difficile, à cet égard, de classer le texte qui est reproduit ci-dessous et qui parut une première fois le 25 décembre 1908 dans Le Moniteur du Puy-de-Dôme, sous l’intitulé «Conte de Noël», puis une deuxième fois dans le n°11 de mai 1921 du Pélerinage de Ronzières, revue religieuse, historique, littéraire et régionale. Ce texte introuvable est aujourd’hui retranscrit pour la première fois sur internet.



LA LÉGENDE DE SAINCT BAUDIME



    Ung iour, ung povre clerc d’Auvergne, au païs des Gaules, vint heurter à l'huis du Paradis et combien que feust de mine cheftive et de povre vesture, Monseigneur Sainct Pierre le reçeut par charitable voulonté en la céleste Cité. Et se trouva que ledit clerc, qui avoit à nom Baudime, estoit le plus Sainct et pieux personnaige que feust venu en Paradis depuis plus de cent ans. Monsieur Sainct Yves, qui est enchargé d'enquester sur le faict des Saincts, ne sçeut relever à la charge dudict Baudime le plus mince péchié, mesmement véniel, et feust pour lors vestu d'une belle robe d'escarlatte, fourrée de menu vair et brodée de fin or au coin de Flourence en laquelle le povre clerc sembloit truand desguisé en fils de roy.


    Et trop à gré le print Madame Saincte Marie qui par luy soi faisoit narrer belles histoires du plaisant païs d'Auvergne et vint en tel désir de le visiter que se partit ung biau matin sur une belle haquenée blance comme neige, avec force biaulx angelots à l'entour et s'arresta au val d'Orcival, à Vassivières, à Ronzières, au Port de Clairmont, au Marthuret de Riom et en moult aultres lieux dudict païs, où cilz de la terre luy bastirent biaulx moustiers et se firent par après moult biaux miracles pour la guérison des malades, la consolation des affligés, la conversion des pécheurs et l'édification du peuple chrestien.


    Et creut ainsi en faveur ledict Baudime et tant que s'enhardit à soi faire auprès de Nostre Dame l'advocat d'iceulx dAuvergne et tous iours en avoit-il quelque ung à recommander à ses bonnes graaces, d'aultant que les gens de ceste terre trop sont amis de gaigner terrestres biens, dignités, honneurs et aultres telles vanités.


    Ores, sçachiez que ledict Baudime accueilloit tout venant, pour vilain, ord, sale et punais que feust et tous iours trouvoit deffaictes pour leurs vices et males custumes. - Cestuy estoit ivrougne ?... Voire, mais c'estoit faulte au bon vin de la terre d'Auvergne ! - Cest aultre un peu follet ? - Las ! pourquoy les bachelettes estoient-elles si blances et mignardes ?... Les falloit-il laissier cheminer seulettes en dangier de larrons ? - Ce petitounet, si mal basti, avoit-il poinct droict à quelque faveur de Madame Saincte Marie, tout méhaigné comme avoit esté en sa povre vie ? - Ce grandet qui semblait jeune peuplier emmi les prez, estoit-il pas trop gentil et gallant que Nostre Dame ne le print en sa graace rien qu'en le véant ? - Et ce gros, que l'on cuidait toupi roulant sur routes, faisoit-il poinct rire les doulces vierges martyres par ses simplesses et honnestes fassons ?


    Et de tous avoit ainsy chose à dire et à tous par importunité, obtenoit grand planté de graaces, guerdons et pardons - dont estoient les aultres saincts grandement esbahis et corrociés - tant comme peuvent l'estre tant bons et saiges preud'hommes s'entend ! Et souventes foys, Madame Saincte Marie véant Baudime venir à son hostel, se prenoit à dire : « Velà « Baudime qui me vient encore rebattre de ses Auvergnats ; poinct ne « devrais-je lui bailler audience de trois iours ! , Mais tant bonne est la doulce Reine que le laissoit à elle venir et ce que luy demandoit luy octroyoit.


    Et me croirez se ie vous dy que Baudime estoit de tous ceulx d'Auvergne en grand respect tenu et bien prié et révéré et en tous lieux luy brusloit l'on cierges tant gros que menus et tant et tant qu'ung iour, les clercs de Sainct Nectaire firent faire une belle ymaige de chesne, taillée à fasson d'homme et la firent covrir de cuivre finement doré et quand feust faicte l'ymaige, sembloit ung clerc tout d'or, avec clairs yeulx d'esmail et trop belle chastible d'esmail bleu, comparty et adourné de rubis, topazes, escarboucles, à si grant foison, qu'eussiez diet la chappe à l'Empereor de Constantinoble.


    Qui feust content de soy veoir ainsy accoustré, feust Baudime qui plus mès ne parla au Paradis que de lymaige que cilz de Saint Nectaire luy avoient faicte et tant en parla que tost ne feus bruit d'aultre chose en la céleste Cité, et rioit l'on de la simplesse du bon homme et luy dict ung iour Madame la Vierge en grant solemnité - « Beaudime, trop te complais en la beaulté de ton ymaige et trop es vain de ne avoir ja mès péchié. Je te veulx enfermer en ton ydole de bois et cuivre et te baille ma foy « que n'en sortiras premier que te sois yvré, tout d'airain et bois comme « seras ».


    Et ainsi feust faict. Pendant longues années Baudime, exilé du Paradis, ne vesquit que en ung petit coin d'une povre ecclise d'Auvergne ; ains la benoiste Vierge continua par pitié pour son serviteur d'exaulcier tous ceulx qui la prioient en son nom, afin qu'il demourast tous iours en mesme renom et gloire en la terre d'Auvergne. Ains trop s'ennuyoit Baudime et passoient les iours, les moys, les ans, les siècles sans que rien muast entour de luy et soy pourpensoit : « Ce bois sera des vers mangié et ce cuivre de rouille destruict devant que i'aye beu tant seulement de quoy yvrer une pulce !... Ah ! ce que est des femmes ! »


    Ores, oyez les merveilleuses inventions de Nostre Dame pour saulver de meschief iceulx que prend en pitié. Advint qu'ung larron, sans foy ne vergogne, vint, par nuict noire, traistreusement robber Sainct Baudime et, pour le mieux céler des sergents, le mint en ung tonnel d'eaux de vie ou peu à peu s'embeut de liqueur et tost feust plus yvre que cent Jacques d'Anglois au soir de Noël. Pour lors se soubvint Nostre Dame de son serviteur et le manda traire en sa présence et moult s'esbaudit de le veoir plourant larmes d'eaux de vie et flourant eaux de vie comme un lansquenet. Empuys luy rendit l'entendement et le povre Baudime, plourant son péchié, rentra en la graace de la doulce Reine des Cieulx.


    Et sçachiez que se reprint incontinent à quester mercy pour ceulx d'Auvergne et tout premièrement pour iceluy larron que d'exil l'avoit traict et à sa prière inspira Madame Saincte Marie au duc des Francs de luy faire graace de la hart que trop avoit méritée pour avoir robbé en moustier que est péchié tant ord et infect que Nostre Sire le Pape seul le peut absoldre, mesme en l'heure de la mort !



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On aura compris que saint Baudime appartient au folklore des temps apostoliques de l’Auvergne.

En revanche, la « belle ymaige de chesne » réalisée au 12e siècle à son effigie est bien réelle, quoi qu’elle ait failli disparaître pour toujours.

Voici le récit édifiant de ses tribulations...

                                                                 







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& sa légende

moulage de plâtre conservé au Musée du Trocadéro